Bonjour,
Cette semaine nous avons toujours un temps globalement froid et pluvieux, guère favorable à la croissance des légumes d’automne. Du coup nous commençons à récolter les poireaux, qui résistent mal à cette humidité, et à supprimer des rangs de légumes d’été : tomates, concombres, aubergines, poivrons, au profit des cultures d’hiver. Ceux-ci lèvent bien, contrairement aux années d’automne secs que nous avons connu.
Je souhaiterais vous apporter des explications sur nos choix culturaux, explications destinées en particulier à nos nouveaux amapiens (bienvenue !) et à ceux qui n’ont jamais visité la ferme (on vous attend ! :)).
Nous sommes résolument dans une perspective d’agriculture naturelle, qui par certains côtés s’apparente davantage aux jardins potagers de nos grands pères plutôt qu’à l’agriculture bio « conventionnelle » ou « industrielle » qui se développe actuellement. Comme cela peut jouer sur l’apparence de vos légumes, je voudrais vous parler de ces choix.
Le bio « conventionnel » cherche à satisfaire les besoins des consommateurs « modernes » habitués aux fruits et légumes d’aspect irréprochable que l’on trouve dans les supermarchés. Nous sommes en effet formatés à ce mode de consommation depuis plusieurs décennies maintenant et habitués à considérer tout ce qui s’écarte de ces canons comme « raté » ou de moindre valeur. Pour obtenir des légumes esthétiquement irréprochables, en bio, on utilise généralement les moyens suivants :
- On les plante sur bâche plastique autant que possible ;
- On les arrose beaucoup, donc ils poussent vite ;
- On fertilise beaucoup, donc on accélère également la croissance ;
- En cas d’attaque parasitaire, on traite avec les produits autorisés en bio.
C’est un mode de culture très interventionniste et qui s’écarte pas mal de la nature. Les légumes et les fruits contiennent davantage d’eau, au détriment souvent des nutriments et de la saveur.
Ce que nous essayons de faire ici, et qui nous vaut souvent des remarques comme « je retrouve enfin la saveur des légumes du jardin de mon grand père », est de planter en terre aussi naturelle que possible. Nous arrosons peu, voire rarement, et ne traitons pour ainsi dire jamais. Les légumes poussent plus lentement et sont souvent d’aspect moins beau, car marqués par les intempéries ou éventuellement goûtés par un insecte. Mais ils sont logiquement moins gorgés d’eau (cela dépend de la météo !), avec plus de nutriments et de saveur. On peut aussi considérer qu’ils contiennent davantage d’énergie vitale, même si ce paramètre est plus reconnu en Orient qu’en Occident.
Il y a un autre point. En France et en Europe, 40 à 50 % de la nourriture produite est jetée. NOUS NE SOMMES PAS DU TOUT DANS CETTE OPTIQUE LA ! Ce que nous produisons, nous le mettons dans vos paniers, nous consommons nous-mêmes les légumes les plus abîmés et s’ils le sont trop ils sont consommés par les animaux. Cela nous ferait mal au cœur de jeter une partie importante de notre production. Croyez-vous que nos anciens l’auraient fait ? Les dictats esthétiques de l’industrie agro-alimentaire nous ont formaté pour du zéro défaut, mais encore une fois au prix d’une artificialisation des modes de production et du gaspillage de tout ce qui n’est pas impeccable à l’œil. Vous l’avez compris, entre l’aspect extérieur d’un légume et sa véritable valeur nutritionnelle, il y a une différence ! Ce choix d’agriculture naturelle, même s’il s’écarte de nos habitudes « modernes », est, j’en suis persuadé, meilleur pour notre santé et meilleur pour la planète.
C’est un point sur lequel nous avions interrogé nos amapiens il y a deux ans : préférez-vous des paniers plus remplis, avec le beau et le moins beau, ou des paniers moins remplis, avec juste le beau. Il avait été décidé de choisir la première option. Donc, ne vous évanouissez pas à la vue d’une carotte tordue, d’une feuille grignotée par une limace ou d’une peau un peu piquée. C’est, me semble-t-il, parfois le prix à payer pour des légumes vraiment naturels, même si nous faisons bien sûr tous nos efforts pour un beau résultat.
N’épluchez pas nos légumes, dans la mesure du possible, la peau concentre les nutriments et vitamines. Et puis essayez de les consommer crus. Vous pouvez y aller en confiance !
Et puis essayez de vous laisser émerveiller par la beauté, les formes et les couleurs de ces fruits et légumes qui, même s’ils ne semblent pas sortir tous d’un même moule, sont parfois des œuvres d’art. Nous travaillons beaucoup les couleurs et les chefs qui se fournissent dans nos jardins ne s’y trompent pas. Quelle belle structure dans un chou Romanesco ! Quelle diversité de teintes entre les carottes jaunes du Doubs que vous avez cette semaine, les Blanches de Kuttingem, les pourpres Purple Haze que vous aurez bientôt !
Chers amapiens, le panier que vous recevez a été cultivé et récolté avec beaucoup de travail et d’amour par une équipe qui respecte profondément la Terre. Sachez l’apprécier et excuser le cas échéant des imperfections ou erreurs de notre part. Nous faisons de notre mieux pour explorer une agriculture profondément respectueuse de vous-même et de la Terre. Nous cherchons à retrouver des savoirs disparus parfois (la riche tradition maraîchère du XIX° en particulier), et à étudier des solutions d’avenir. Tout est fait à la main, votre panier demande bien plus de temps à faire pousser que si nous travaillions avec une abondance de pétrole et de plastique. S’il vous plaît, si vous n’êtes pas totalement satisfait, ou déboussolé car cela diffère de vos habitudes alimentaires, inutile de nous le dire de manière agressive comme si nous avions voulu vous arnaquer. C’est profondément blessant pour nous qui passons nos jours, une partie de nos nuits et presque tous les weekend à travailler pour vous !
Merci de votre attention !
Avec toute notre amitié,
Charles
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