CR – Visite chez Benjamin Chiquet (II, le retour)

Le dimanche 4 décembre nous voilà repartis à la rencontre de notre futur partenaire maraîcher que certains d’entre nous avaient rencontré une première fois en octobre. Donc, direction Goussonville à la ferme « Le Village » situé un peu avant Mantes-la-Jolie, à 56 km (soit 100 km de moins que notre actuel maraîcher) de notre futur local de distribution situé au 27, rue des Volontaires, à côté du métro du même nom, dans le 15ème.

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Étaient présents : Agnès E, Claire D, Katia P, Agnès B, Emmanuelle M, Corinne C, Olivier L, Kerstyn J, Véronique M, Claudia A, Émilie L (la fille de Corinne) et Linda B.

I/ L’ACCUEIL

Benjamin a fait visiter une partie de sa ferme à tout le groupe. Avant d’entamer cette visite nous avons discuté un long moment dans la première serre où il avait installé une table avec du café, des chaises, un tableau noir avec le contenu du panier de la semaine passé et des documents (flyers de la ferme et le livre de Denise Vuillion L’histoire de la première AMAP édition L’Harmattan).
Le sol de la serre était entièrement paillé et au repos jusqu’au printemps. C’était la serre des plants de tomates arrachés tout récemment. C’est l’endroit où nous sommes revenus pour le repas et la discussion d’après-midi.

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II/ LES CULTURES, LES SERRES, LES OUTILS

Après ce café de bienvenue, nous sommes allés dans la deuxième serre et nous avons découvert des rangées légèrement surélevées, sorte de buttes plates, de jeunes choux-fleurs (ils ne possédaient encore qu’un bouquet) qui seront à maturité au printemps, ainsi que divers légumes à feuilles (épinards et salades). La terre dans laquelle poussent ses légumes avait une bonne texture, en couscous, bien aérée et vivante. De nombreux monticules témoignaient du passage de vers de terre entre les légumes en croissance. C’est le résultat de l’enrichissement avec le dé-compactage mécanique et le compost qu’apporte Benjamin.

Benjamin a ramassé un gros grumeau de terre dure (pourtant rares dans la serre) et compacte, minérale et quasi-morte. Elle ne laissait voire aucune racine, aucune micro-faune indispensable à une bonne croissance des légumes. Une telle terre ne retient pas l’eau et se crevasse avec la sécheresse après les pluies. Sous la pression du doigt elle s’est cassée net. Seule les herbes arrivent à y pousser. La terre sur laquelle Benjamin s’est installée est très limono-argileuse (principalement limoneuse). C’est une ancienne prairie à chevaux dont la terre a été tassée par les années. Il faut donc la travailler pour la dé-compacter et permettre à nouveau un bon enracinement des plantes.

Après avoir vu les autres serres au repos ou en phase de réparation (quelques dégâts ont été causés par le vent), Benjamin nous a fait traversé le verger. Beaucoup d’arbres y sont assez anciens et donnent quelques fruits pour les paniers, des cerises, des mirabelles, des pommes. Il y a quelques buissons de fruits rouges sauvages mais qui eux ne sont pas ramassés pour les paniers. Il a déjà planté quelques scions de fruitiers pour rajeunir son verger.

À côté du verger sont entreposés ses outils et remorques, il nous a notamment expliqué celui qu’il utilise pour briser les mottes de terre, en profondeur, sans pour autant la retourner comme le ferait un labourage. Benjamin NE LABOURE PAS sa terre. Le labourage de l’agriculture conventionnelle bouleverse les strates du sol et perturbe les organismes vivants ainsi que les échanges minéraux et organiques de celui-ci. C’est une pratique que les petits agriculteurs en bio ont de plus en plus tendance à abandonner.

Les outils qu’utilise Benjamin lui ont été recommandés par des paysans soucieux de travailler en respectant le plus possible l’équilibre des sols. Il les a acheté neuf ou presque-neufs. C’est un investissement qui devrait lui durer longtemps et même “jusqu’au bout”. L’un de ses outils est doté de larges dents qui font des tranchées à une profondeur de 20-30 cm, dans la terre par des mouvements verticaux sans la retourner. La terre est ainsi aérée, dé-compactée et plus propice à retenir l’eau et les engrais ou traitements naturels dont Benjamin se sert, purin d’ortie, macération d’aulx…). Il n’introduit aucune molécule de synthèse sur ses cultures bien que le label Agriculture Bio l’y autorise, ni aucun engrais autorisé en bio comme le guano, la corne ou le sang séché et qui proviennent parfois de très loin (Brésil).

Il fabrique lui même un amendement d’après une technique « terra negra » apprise en Malaisie, associant du compost réalisé sur sa ferme et de la terre (issue de la couche de sous sol) brûlée. Il tient à ce que sa technique d’enrichissement du sol ait le moins d’impact possible et soit crée sur la ferme.

Au total, Benjamin a 5 serres réparties sur presque 2 000 m2. 2,12 ha servent aux cultures de plein champ et au verger. Et enfin, Benjamin loue un autre terrain de 5 000 m2 à Mézière, un village à côté de Goussonville, pour la culture des pommes de terre dont il cultive plusieurs variétés (Belle de Fontenay, Rosabelle, Charlotte, Amandine,…).

Une surface de cultures de presqu’3 hectares au total.

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III/ LES VOISINS “AGRICULTEURS CONVENTIONNELS”

Benjamin est entouré d’agriculteurs en conventionnel dont un le plus gros producteur de pommes de terre d’Ïle-de-france, qui fournit des grandes surfaces. On voit ses entrepôts immenses de l’autre côté de la route.

La cohabitation avec ses voisins agriculteurs conventionnels utilisant des produits phytosanitaire pour leurs cultures ne se fait pas sans poser quelques problèmes.

Au printemps 2010, des plants de tomates, poivrons et aubergines en train de grandir sous une serre, ouverte pendant la journée, furent victimes de l’épandage d’un produit par l’un de ses voisins à 2km de là. Produit « anti-dicotylédone » qui visait à détruire les plantes de la famille des solanacées dont font partie certaines « mauvaises-herbes », mais aussi malheureusement la tomate, le poivron et l’aubergine. Benjamin a protesté auprès de son voisin, mais celui-ci s’est défendu en disant appliquer dans les règles les produits autorisés sur ses cultures (conventionnelles ).

En prévenant Ecocert des dommages subis, Benjamin s’est vu menacé de subir un contrôle de ses terres en vue de décider si son statut de producteur sous le label AB pouvait ou non être toujours être valable au vu de la contamination subie ! Benjamin dû racheter des plants pour pallier la destruction des siens et ne fut dédommagé de rien. Il envisage de ne pas renouveler son label AB.

En nous parlant de ses confrères non-bio, Benjamin nous a expliqué qu’un nouveau système de pulvérisation des engrais chimiques avait vu le jour récemment : il permettrait d’éviter un trop grand lessivage de ces produits dans le sol, car dosés de façon plus précise et administrés en moins grande quantité aux plantes. Par contre ce système génère un flottement beaucoup plus important qu’auparavant de particules fines au-dessus du niveau du sol, qui s’accumulent dès lors dans l’air plutôt que sous la terre et peuvent être transportées par les vents… Moins de pollution de la nappe phréatique, mais plus de pollution dans l’atmosphère.

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IV/ LE PARCOURS DE BENJAMIN, SON INSTALLATION

Benjamin, qui a grandi ici, a beaucoup travaillé lors de son adolescence dans des fermes aux alentours. Notamment dans un élevage de vaches laitières pour la fabrication du fromage, dont aurait aimé reprendre l’activité.

C’était son intention à 12 ans, mais il s’est rendu compte qu’il lui faudrait s’endetter lourdement et entrer dans un système de dépendance vis à vis des banques et les circuit conventionnel pour écouler sa production. Devant un investissement de centaines de milliers d’euros, il a renoncé à son projet d’installation, mais il a gardé l’idée d’y revenir un jour, avec ses économies.

Il prit donc le chemin des études longues après son bac scientifique. Comme il était bon élève en sciences, il a été poussé vers une école d’ingénieurs et a choisit la biologie. Mais il a interrompu son cursus au bout de trois ans, conscient, qu’il devrait, s’il le poursuivait, travailler ensuite dans un système dont il ne reconnaissait pas les valeurs. Il a étudié notamment la formulation des vaccins, cosmétiques, OGMS… Pour beaucoup de ces produits “on les vend en mentant ouvertement au consommateur” à qui on prête des effets que bénéfiques qu’ils n’ont pas (crème anti-rides) et dont on cache les effets délétères (vaccins et OGMs par exemple).

Benjamin avait le sentiment que ce qui comptait avant tout pour les fabricants, c’était de vendre à tout prix de la nouveauté sous couvert de technologie, parfois en purs mensonges à coup de discours savants.

Au même moment se développait le mouvement des AMAPs. Il a eut l’occasion de rencontrer les Vuillon (Denise et Daniel) et leur a proposé de travailler une année sur leur ferme. Il y a passé une année, en tant que stagiaire, et ils l’ont formé au métier de maraîcher. Après cette année auprès des précurseurs des AMAPs en France il est parti 6 mois en Malaisie puis revenu dans son village natal, il s’est installé sur une terre de ses parents.

Actuellement, il loue les terres qu’il cultive. Pour les investissements de départ, il a choisis d’emprunter à ses proches et amis et préfère ne pas avoir à faire aux banques. Il bénéficie depuis deux ans d’une aide à l’installation et pendant 5 ans, il doit rendre des comptes sur son exploitation au système dans lequel il “s’est embarqué”. Les mutuelles de santé, les impôts, organisme certificateur etc… Mais il souhaite en sortir à la fin de son engagement, dans trois ans.

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V/ LES AMAP

La première saison, Benjamin est partie sur une base de paniers hebdomadaires pour 30 familles du village de Goussonville. Une partie de sa production était écoulée par d’autres circuits (restaurateurs notamment).

Mais, grande déception, au terme de cette première saison, la moitié des familles n’a pas renouvelé pas son contrat. Benjamin comptait sur une quarantaine de paniers pour sa deuxième année.

Plusieurs facteurs expliquent cette défection :

  • Des familles ou personnes peu convaincues par le système des AMAP (Benjamin avait publicisé son installation et la vente directe sous forme de paniers sur sa ferme en distribuant des flyers dans les boîtes aux lettres des environs). Par la publicité, il a touché des familles qui cherchaient avant tout de la quantité et peu convaincue par la démarche du jeune paysan,
  • Des personnes également peu solidaires des aléas de production et qui n’ont pas compris que des problèmes de ravageurs sur les choux faisaient des choux petits dans leurs paniers…
  • Quelques jeunes couples travaillant sur Paris, passant beaucoup de temps sur la route et qui une fois rentré chez eux ne trouvent pas la motivation pour cuisiner les légumes des paniers…

Quinze famille sont restées, elles par contre très convaincues par ce partenariat et motivées.

La deuxième année a commencé avec moins de personnes que prévu alors que les investissements de Benjamin avaient été faits en fonction d’une quarantaine de paniers par semaine.

Les paniers de début de saison ont été plus gros pour les familles qui étaient restées. La rémunération de Benjamin, elle, revu à la baisse et donc pas à la hauteur de ce qui avait été établi au départ sur le prévisionnel d’exploitation.

Pendant la deuxième saison les anciens AMAPiens ont ramené d’autres personnes et un groupe de 24 paniers a été constituer.

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PAUSE DÉJEUNER PUIS DISCUSSION SUR NOTRE PARTENARIAT

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VI/ NOTRE PARTENARIAT

1/ Le prix du panier ou plutôt la part de récolte de l’AMAPien (ou du co-récoltant) :

Le concept fort de l’AMAP est que le prix du panier est théoriquement déconnecté des marchés et dépend de l’accord entre le paysan et le groupe de consommateurs. Cet accord se fait en fonction d’un certain nombre de paramètres propre à chaque ferme et liées aux charges d’exploitation de la ferme.

Les charges d’exploitation de la ferme de Benjamin sont constituées d’achats et de factures :

  • semences et plants,
  • paille,
  • films de protection des cultures,
  • emballages,
  • carburant,
  • transports,
  • électricité,
  • eau,
  • téléphone,
  • taxes
  • amortissements
  • et rémunération du producteur.

Actuellement le prix du panier simple (2010-2011) est de 16€. Le prix du panier pour la prochaine saison n’est pas fixé. Nous le connaîtrons en janvier. Benjamin profite de ses deux semaines de vacances de fin d’année pour faire le bilan de la saison passée et les prévisions pour la suivante.

Celui de la semaine passée était composé d’un sachet de courge, un sachet de pomme de terre, un chou de Milan, de 3 navets Di Milano, de deux petits radis noirs, deux poireaux, un sachet d’oignon, une scarole et une botte de persil (16€. Les amapiens peuvent s’ils le souhaitent prendre un panier familial à 30€ avec le double de légumes.

Nous n’aurons, pour 2011-2012, qu’un seul type de panier, le panier simple que l’on pourra prendre en hebdomadaire ou en quinzaine.

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2/ Nombre de paniers, livraison, horaires :

Nous partons sur un accord pour 30 paniers semaine pour notre AMAP qui sera livré le mardi soir entre 20h et 21h dans notre nouveau local de distribution situé au 27, rue des Volontaires dans le 15ème arrondissement de Paris. Nous réajusterons peut-être les horaires de distribution si Benjamin a du mal à se rendre à Paris en partant de sa ferme à 19 heures. Nous lui avons de notre côté signalé qu’organiser une distribution sur Paris avant 19 heures n’était pas possible en tenant compte du temps que les parisiens que passent dans les transports.

Le contrat sera basé sur 42 ou 43 semaines pour 2012-2013 avec une rupture saisonnière entre la fin d’une saison et la reprise de la suivante. La rupture de l’année 2011 était du du 20 mars (date de fin saison 1) au 10 mai (date de reprise saison 2). Le calendrier de la saison 3, la prochaine, nous concernant n’est pas encore fixée.

Il y a deux semaines de rupture à Noël. Ce sont les seuls vacances que s’accordent le jeune producteur.

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3/ Fréquence des paniers :

Une longue discussion a eu lieu sur le maintien des paniers de quinzaine (ou pas) et sous quelle forme.

Nous avons décidé de maintenir la quinzaine et de garder la possibilité de prendre un panier par semaine ou un panier tous les quinze jours. Nous tâcherons de respecter le nombre de 30 paniers hebdomadaires pour l’AMAP Panier Blomet.

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4/ Visite de la ferme 2012 :

Une grande visite de la ferme de Benjamin est envisagée pour l’ensemble des adhérents intéressés par le partenariat. Elle aura lieu très probablement fin mars/début avril, la date exacte reste à fixer.

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5/ Gestion des contrats :

Actuellement avec son groupe local c’est Benjamin qui s’occupe de la partie administrative. Il fait signer et récupère les contrats et chèques. Il organise pour cela un jour de signature de contrat et souhaite procéder de-même avec le Panier Blomet. Benjamin tient à rencontrer les AMAPiens avant de démarrer la saison. Reste à fixer une date. Mais il est probable qu’une personne relais soit nécessaire de notre côté pour faire signer à tous les contrats à cause du nombre d’adhérents à réunir et des disponibilités des uns et des autres sur une journée.

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6/ Planning de production :

Benjamin a un tableau très précis de son planning de production (2010-2011), en ligne (PDF). Nous pourrons donc connaître assez précisément ce qui pousse sur la ferme et le moment théorique où ça devrait arriver dans nos paniers. Théorique car nul ne maîtrise l’ensoleillement, la pluie et l’arrivée précise à maturité des légumes.

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 7/ Informations et feedback :

Benjamin écrit un petit mot chaque semaine sur ce qui se passe sur la ferme.

Il a mis en place une consultation régulière des amapiens par trimestre pour connaître leurs avis.

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8/ Coups de main à la ferme :

Actuellement il est possible de venir les mercredis et samedi après-midis de 14h à 17h pour filer un coup de main et plus longtemps ponctuellement sur des journées pour des gros travaux de récolte (des pommes de terre et courges, par exemple) ou gros travaux sur la ferme. Il faut tout de même le prévenir.

Comment nous allons nous organiser pour nous intégrer à ces après-midis et journées d’aide ? Il faudra créer et gérer un planning annuel et organiser les transports, nous ne pourrons pas nous rendre sur la ferme en transport en commun, la gare la plus proche étant à ±5km.

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9/ Paniers solidaires :

Nous ne pourrons pas continuer à solliciter le versement volontaire de 1€ supplémentaire par paniers pour constituer une enveloppe solidaire ponctuelle. La gestion comptable en serait trop complexe pour le partenariat avec Benjamin et les distributions seront faites sur le principe AMAPien du « partage de récolte ».
Comme le partage doit être (et sera) équitable, tout le monde participera, à cette solidarité envers des familles qui ont peu de moyens et ont beaucoup de bouche à nourrir, ou personne.
Si le partenariat solidaire est préservé, les récoltes (livraisons de Benjamin) seront partagées en 3 parts (sur 30) de plus, en moyenne une semaine sur 4, par tous les AMAPiens du groupe. Les partages solidaires seront alternés équitablement entre les deux groupes de distribution.
Il n’y aurait donc pas de surcoût mais un partage à plus de bénéficiaires une semaine sur 4 en moyenne. Le manque à partager serait équivalent à un panier, 16€ pour un AMAPien en hebdomadaire et un demi panier, 8€ pour un AMAPien en quinzaine, pour toute l’année.
La description des conditions de ce partenariat (comme celles de tous les partenariats) devra figurer au règlement intérieur et sera votée en réunion de bureau ou en AG.