Paniers solidaires, dons de paniers … tour d’horizon des pratiques franciliennes

un article du réseau AMAP IDF

15 mars 2018

L’accessibilité économique est un frein souvent évoqué à une plus grande mixité sociale au sein des groupes en AMAP. S’engager sur une saison et sur un montant annuel peut en effrayer plus d’un, surtout lorsqu’on est dans une situation économique instable. Alors, depuis les tout débuts des partenariats AMAP, des groupes, souvent en lien avec leurs paysan·ne·s partenaires, réfléchissent à des systèmes de solidarité pour rendre l’AMAP plus accessible.

Petit tour d’horizon des expériences franciliennes

En décembre dernier, un appel à témoignage a été lancé au sein du Réseau pour recueillir les expériences des un·e·s et des autres sur les systèmes de solidarité mis en place au sein des partenariats. Une vingtaine de réponses a été recueillie, dont voici une tentative de synthèse.
Deux grands systèmes se dégagent : une solidarité sur la base des paniers non récupérés en fin de livraison, et une solidarité anticipée par des dons ou par les cotisations amapiennes.
A noter que les témoignages concernant principalement les paniers de légumes, la synthèse ci-dessous concernera donc principalement les partenariats maraîchage.

Les paniers « orphelins »

Quel groupe n’a jamais constaté quelques « restes » de légumes à la fin d’une distribution ? Beaucoup ont donc décidé de faire d’une pierre deux coups : résoudre le problème des légumes restants à la fin d’une distribution, et en profiter pour lier des partenariats solidaires.

Pour qui ?

Le plus souvent, ces partenariats sont noués avec des centres sociaux (le CCAS pour l’AMAP des Roses à Mandres-les-Roses, l’hôtel social pour Les paniers Vanvéens à Vanves), avec les antennes locales des grandes association caritatives (le Secours Populaire pour l’AMAP Champs Libres de Fontenay-sous-Bois ou pour la Farigoule à Fontenay-aux-Roses ; les Restos du Cœur pour la Clé des Champs à Fontenay-sous-Bois) ou encore avec des associations locales spécifiques (La cuisine des Migrants pour la Courgette Solidaire aux Lilas, des centres d’accueil de réfugiés, à Malakoff et à Fontenay-sous-Bois).

Responsable associatif qui passe en fin de distribution récupérer les légumes ou amapien·ne·s qui font le déplacement : les modalités sont variées.

Certains groupes ont également choisi de faire don des légumes restants en direct à des personnes fréquentant leur lieu de distribution, comme AMAPassion, groupe au sein d’une entreprise à Montrouge, qui donne les légumes aux femmes et aux hommes en charge du ménage dans les locaux de l’entreprise. A Blomet Grands Prés (Paris 15e), les légumes orphelins vont au lieu d’hébergement pour personnes venant de la rue qui accueille les distributions de l’AMAP. L’AMAP de Saint-Germain a par ailleurs fait le choix de permettre à des amapien·ne·s plus fragiles économiquement ou personnes extérieures à l’AMAP connues d’un·e adhérent·e de bénéficier de ces légumes orphelins.

Bien sûr, au bilan des expériences, des succès mais aussi quelques déconvenues (que vous pourrez lire dans le recueil des témoignages, cf. fin d’article). Ces partenariats noués avec les associations locales peuvent aussi mener à des actions plus larges, comme pour les Paniers Vanvéens qui ont géré des dons de vêtements, denrées et produits sanitaires pour une structure d’accueil de réfugiés, en plus du don de légumes.

Des cas originaux

Certains ont aussi « institutionnalisé » ce don de panier orphelin, comme c’est le cas d’Eeaubon’AMAP à Eaubonne. En effet, si la majorité des amapien·ne·s s’organisent pendant les vacances pour trouver repreneur à leur panier, ils ont également la possibilité de donner leur panier comme panier solidaire ; « En cas d’absence, en particulier pendant les périodes de congés, les amapiens indiquent à l’avance qu’ils donnent leur panier comme panier solidaire. Du coup, la semaine concernée, nous ne commandons au producteur que le nombre exact de paniers à distribuer, les paniers non livrés sont garder ‘en crédit’ pour les livraisons suivantes. Cela demande de tenir un compte un peu rigoureux de ces dons de paniers, mais par exemple pendant l’été, les dons de paniers financent les paniers solidaires et évitent de piocher dans les cotisations solidaires. Pour le producteur, c’est transparent, les paniers donnés par les adhérents lui ont été déjà payé par les adhérents. » Questionnée sur l’éventuelle difficulté que cela pourrait représenter pour le paysan pour la gestion de ses récoltes et de ses stocks, l’AMAP précise qu’il ne s’agit là que d’un nombre marginal de paniers : il n’est bien sûr pas question que le maraîcher se retrouve avec moitié moins de paniers à livrer sur une semaine.

Les paniers solidaires

Le second système répandu au sein des groupes en termes de solidarité consiste à collecter une somme qui permet ensuite de financer un ou plusieurs paniers toute l’année.

Financement des paniers

Les paniers solidaires sont financés de différentes manières selon les groupes en AMAP :

  • Via les cotisations des adhérent·e·s : à Eaubonn’AMAP, c’est un supplément de cotisation donné volontairement par les amapien·ne·s qui le souhaitent. A la Courgette Presloise (Presles en Brie), la cotisation annuelle a été augmentée pour être en capacité de prendre en charge la quasi-totalité d’un panier. A la Courgette Solidaire aux Lilas, il s’agit un prélèvement sur les cotisations annuelles des membres.
  • Via le financement par les amapien·ne·s d’une partie de panier ou d’un panier supplémentaire : au Panier Blomet, à Paris, les adhérent·e·s qui le souhaitaient pouvaient auparavant verser 1€ supplémentaire par panier, 0.5€ à Blomet Grand Prés (Paris).
  • Grâce à des subventions publiques : l’AMAP de Montrouge a par exemple obtenu une subvention plusieurs centaines d’euros provenant de la réserve parlementaire du député local. Et l’association ELLSA, à Archères, a obtenu pendant 2 ans une subvention du Conseil Régional en répondant à l’appel à projet AliSol – Alimentation Solidaire.
  • Grâce à un geste du paysan partenaire : les paysan·ne·s aussi font preuve de solidarité, comme au Monstrueux de Marivel, à Chaville, où Gaël, le maraîcher de l’AMAP, a accepté de fournir une quantité de légumes à prix de gros pour l’épicerie solidaire ; les amapien·ne·s ont ainsi la possibilité de financer quelques paniers par an, d’une valeur de 4€ chacun.

Pour qui ?

On retrouve ici les bénéficiaires déjà évoqués pour le don de paniers orphelins. Le Monstrueux de Marivel a créé un partenariat avec l’épicerie sociale de la commune de Chaville, où des familles peuvent acheter des produits ménagers et des aliments à 10% du prix du marché environ. En 2017, les amapien·ne·s ont ainsi financé 535 kg de légumes, livrés en 12 fois.

Eaubonn’AMAP donne 2 paniers de légumes par semaine à un foyer d’hébergement pour familles monoparentales de la commune.

A la Courgette Presloise, c’est une famille avec 4 enfants, rencontrée dans le cadre du CCAS, qui bénéficie chaque semaine d’un panier à 5€ – l’AMAP, via les cotisations, en verse 12. Comme souvent, l’anonymat est au cœur de la démarche : ainsi, peu de personnes connaissent l’identité des bénéficiaires, afin de les inclure parmi toutes les autres familles.

Les freins

Certains groupes ont rencontré des freins à la mise en place de tels partenariats.
Cela commence notamment par des questions récurrentes qui freinent le groupe : à qui attribuer les paniers ? selon quels critères ? comment conserver l’anonymat des familles et éviter la stigmatisation ? Certains groupes ont tenté de disposer d’une liste de potentiels bénéficiaires auprès de leur mairie, sans succès.

Et puis, un des gros freins réside dans l’envie non assouvie du groupe de nouer des liens plus profonds, de créer des partenariats plus pérennes et des contacts réguliers avec les bénéficiaires et avec les associations qui les entourent. A Eaubonne toujours, les tentatives de faire participer les gens du foyer à la vie de l’AMAP ont été vaines, que ce soit pour des participations aux distributions, ou des sorties à la ferme.

Des prix de panier solidaires

Comme les AMAP sont un véritable terreau d’expérimentations, quelques groupes franciliens ont mis en place depuis plusieurs années des prix de paniers solidaires basés sur une répartition équitable du prix en fonction des revenus. C’est Patate Douz, AMAP parisienne, qui a été pionnière en la matière, suivie de près par d’autres, comme Robin des Pois, à Aubervilliers.
Le principe ? L’adhérent peut opter pour le paiement de son panier en fonction de ses revenus déclarés. Les amapien·ne·s vont donc payer entre 8€ et 17,5€ à Aubervilliers, et entre 8,5 et 21€ chez Patate Douz en fonction de leur Revenu Annuel Disponible (ressources moins charges). Plus d’info sur le site de Patate Douz.

Robin des Pois est attaché à ce système tout en en pointant les limites : « sur une soixantaine de paniers distribués, environ une moitié participe au système équitable. Ceci parce que certains de nos adhérents n’ont pas souhaité participer au système, mais surtout parce que la logique du système nous oblige à le fermer en début de saison (les personnes qui adhèrent à l’Amap plus tard ne peuvent plus participer), alors que nous sommes encore loin d’avoir fait le plein d’adhérents. Il y a là un défaut que nous n’avons pas réussi jusqu’à présent à corriger. »

Si les expériences ne sont pas toujours concluantes immédiatement, et que des barrières se dressent parfois sur la route des groupes AMAP pour leur permettre d’imaginer des partenariats solidaires satisfaisants, la lecture de cette vingtaine de témoignages nous a confirmé 1. La créativité des AMAP et la diversité des fonctionnements 2. La grande solidarité des amapien·ne·s ! Vous trouverez ici les témoignages complets des AMAP ayant participé à cet appel. Merci à tou·te·s pour ces retours précieux et merci à Phô, de l’AMAP de l’Olivier, pour sa précieuse aide dans la classification des témoignages !

Mathilde, salariée chargée de l’accompagnement des groupes AMAP